Tout-à-fait retiré du monde,
Un pélican, vivait au sommet d’un vieux pin,
Et s’occupait soir et matin,
Dans sa solitude profonde,
D’aimer, de soulager, de servir son prochain.
Aussi de partout à la ronde. On venait le chercher.
Il était sans enfants ;
Mais il servait de père à tous les indigents,
Prêtant à tous son assistance,
Même les nourrissant de sa propre substance,
Ainsi qu’il se pratique entre vrais pélicans.
. Près de cet oiseau débonnaire
Vivait un autre oiseau, d’humeur toute contraire.
C’était un aigle des plus beaux,
Mais fier, orgueilleux, sanguinaire,
Et qui régnait sur les oiseaux
En vrai despote, non en père.
Il fut un jour, par curiosité,
Faire visite à l’oiseau solitaire.
De la vertu la touchante beauté
Aux méchants même a souvent droit de plaire.
Du pélican le tendre et doux aspect
Au fier despote imprima le respect.
En ce moment l’Hermite vénérable,
Environné d’orphelins malheureux
Qu’arrachait au trépas son effort généreux,
Faisait couler son sang, et d’un bec secourable
Avec amour le partageait entre eux.
Que vois-je, dit l’aiglon dans sa surprise extrême ?
Si mon œil n’en était témoin,
Je ne le croirais pas. Peut-on porter si loin Le sacrifice soi-même ?
Etre ainsi son propre bourreau !
Oui, dit le pélican, je connais un oiseau
Qui se traite plus mal encore.—
Un oiseau ! quel est-il ? C’est celui dont l’aurore
Et tout l’éclat dont le soleil se dore
Ne peuvent étonner le regard assuré ;
C’est vous, seigneur, qui de gloire enivré,
N’avez d’autres plaisirs que ceux de la puissance ;
C’est vous, qui méprisez la douce jouissance
Qu’offre aux bons cœurs la sensibilité.
Votre pouvair est redouté ;
Mais on chérit ma bienfaisance :
Le bon lot est de mon côté.