Le lion étant mort, un jeune léopard :
Fut celui qu'on nomma sultan de la contrée.
Il fit, suivi des siens, sa triomphale entrée
Au milieu des hourras; des cris de toute' part ;
C'était à qui viendrait saluer son passage, :
A qui d'un grain d'encens lui porterait l'hommage,
Et cela dans l'espoir d'obtenir, quelque emploi,
-Car de tout courtisan l'intérêt est la loi.
Un renard peu disert, mais expert dans le vice, :
Du sultan s'approche à son tour
Et pour mieux lui faire sa cour,
Blâme du roi défunt mainte et mainte injustice
Que l'on fit sous son règne et par sa volonté.
C'était un prince dèhontê
Qui ne se complaisait qu'au milieu de victimes;
Il a commis nombre de crimes,
Et quand ce tyran trépassa,
Sa langue dans le sang aussitôt se glaça.
Dès que le léopard eut ouï la tirade,
Il rompit brusquement. Lors remarquant un chien,
Qui par respect no disait rien,
Il l'interroge : Et toi, mon camarade,
Ne saurais-tu m'appreridre aussi quelques méfaits?
Parle-moi du lion. — C'est lui que je servais,
Répondit l'animal, et mon cœur le regrette.
J'ignore s'il a fait les choses qu'on lui prête,.
Car je l'aimais ;
A cet aveu tendre et sincère
On crut que le sultan se mettrait en fureur ;
Mais il arriva le contraire. '
— J'estime plus, dit l'aveugle serviteur
Qui ne consent pas à m'instruire
Qu'un clairvoyant accusateur
Qui me montre après nous comment on nous déchire.