Le Perroquet et l'Écureuil Ignacy Krasicki (1735 - 1801)

Un Perroquet, jeune, beau, sémillant,
Nuit et jour allait babillant
Bien plus encor que sa maîtresse.
Aussi caquets pleuvaient sans cesse :
Qu'un pauvre valet, par hasard,
Vînt à faire une maladresse,
Qu'il dérobât du vin et le bût à l'écart,
Il était dénoncé par la langue traîtresse.
Un Écureuil, autre animal,
Ami du Perroquet, son compagnon d'enfance,
Gai, modeste, bénin, ne songeant point à mal,
Sautillait dans sa cage et tournait en cadence.
Tous deux assez longtemps d'abord
Vécurent en fort bon accord,
S'aimant, quoique rivaux (la chose est peu commune !)
Ils n'avaient pas, pourtant, même fortune :
Madame aimait l'oiseau, les valets l'Écureuil.
Le Perroquet, jaloux de ce mince avantage,
De ceux-ci vainement convoitait le suffrage ;
Il ne put l'obtenir. Piqué dans son orgueil,
Un beau jour à son confrère
Il en fit sa plainte amère.
« Qu'importe ? répondit l'Écureuil en sautant ;
Qu'as-tu besoin d'en connaître la cause ?
L'amitié des valets tient à fort peu de chose,
Et ne vaut pas, ami, qu'on se chagrine autant :
Ton destin n'est-il pas assez digne d'envie,
Et te faut-il encore être jaloux du mien ?
Entre nous, cela prouve bien
Que nul n'est heureux dans la vie !
Veux-tu l'être ? fais comme moi :
Amuse la maîtresse, et si tu peux, tais-toi... »

Livre I, fable 3




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