Deux voyageurs de connaissance,
Lun Bourguignon, autre Flamand ;
S’en allèrent pour voir Bizance,
Prés de Palmyre en Orient.
Fatigués de leur long voyage,
A l'ombre frais d'un cèdre assis,
lis racontaient ce qu’au rivage,
On aperçoit du Tanais.
De tout causa le fils de France,
Tel que le fait un vrai Gascon ;
Parlant aussi de la nuance,
Dont brille le Caméléon.
« C'est un mélange tout comique,
La tète est celle d'un poisson ;
Se mine est très mélancolique,
Son corps imite l'édredon.
Il nage moins qu'il ne se traine,
Du reste d’un bon naturel ;
Sa marche éprouve de la gène,
Sa robe est d’un beau bleu-de ciel. » -
« Oh ! ton tableau n'est point fidèle, »
Dit Jahn, « j'ai vu dans les déserts,
* Un mile prés de sa femelle,
Mais tous les deux ils étaient verts, » —
« Pardon, crois-moi, je te assure,
Aussi beau que le firmament,
Était habit dont la dorure,
Le disputait au diamant. » —
« Goddam ! et moi quand je voyage,
N'ai-je point les yeux avec moi ?
Il était vert ! » — « bleu... moi je gage. » —
« Tu mens !» « Mais tu rêves ma foi. »
On s'injurie, on se dispute,
Chacun voulait avair raison ;
Un curé, témoin de la lutte,
Dit, « c'est pour un Caméléon ? » —
« Oui, monsieur, pouvez-vous nous dire,
Sa couleur, peut-on le savair ? » —
« Certainement, ce qu’on admire,
C'est qu'il est d'un luisant très noir,
Il est noir, très noir, je le jure, —
Je me servais de mon lorgnon,
Quand hier soir je fis capture,
De ce petit Caméléon ;
Dans mon mouchoir est le reptile,
J'espère qu'il est de pur sang ; » —
« Montrez cet animal mobile. »
On l'examine: il était blanc.