Le Lion et le Cheval Gilles Corrozet (1510 - 1568)

Contre simulation.

Celluy qui se monstre ennemy
De cueur, sans simuler et fatndre,
N’est tant à eviter et craindre
Que celluy qui est faulx amy.


Dedans ung pré le Lyon rencontra
Ung beau Cheval qu’il voulloit devorer ;
En medecin par faincte s’acoustra,
Prompt et scavant en tel art se monstra,
Puis le salue affin de Vatirer,
Disant : « Amy, je te veulx desirer
Joye et santé au grand mal qui t'opresse ;
Pay le scavair et cognoissance expresse
Contre tous maulx en donnant guerison. »
Lors le Cheval, qui cogneut la finesse,
A telle fraulde une aultre fraulde dresse
Pour se garder, et le mect a raison.
« Je suis joyeulx, respondit le Cheval,
Qu’estes yenu maintenant sy apoinct ;
Jay une espine au pied qui me faict mal,
Qui s’y est mise en passant par ce val.
Puis que scavez tel art de poinct en poinct,
Ostez-la-moy et ne me blessez point. »
Lors il leva la sambe de derriere,
Et au Lyon donne ung coup de carriere
Parmy le front tandis qu'il regardait,
Lequel, voyant sy subtille maniere,
Dict : « C'est raison que deshonneur aquiere
Qui entreprend plus oultre qu’il ne doit. »
Fable 32


Titre original : Du Lyon et du Cheval

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