La Cigale et la Fourmi Gabriel-T. Sabatier (19ème)

La cigale pendant l'été
Sans penser à l'hiver sans cesse avait chanté,
Le travail ne lui plaisant guère ;
Et La Fontaine a raconté
Comment, quand l'aquilon vint refroidir la terre,
Notre cigale enfin dut sentir la misère,
Ne pouvant pas trouver le plus petit morceau
« De mouche ou de vermisseau. »
J'ai lu je ne sais où, que ne sachant que faire,
Après le dur refus qu'on fit de lui prêter
Quelque chose qui put la faire subsister,
Elle alla tristement, tout en baissant la tête,
Exposer plus loin sa requête,
Espérant pouvair emprunter ;
Et qu'une autre fourmi lui dit alors : « Ma chère,
Viens ici, j'ai tout à foison,
Tu ne souffriras plus j'espère
Car, je le prête ma maison
Pendant la mauvaise saison.
Un jour, si j'étais malheureuse,
Je voudrais certes bel et bien,
Dans ma carrière aventureuse,
Pour ma part, trouver du soutien.
Oui, je me mets à ton service,
Car dès mon enfance on m'a dit :
« Quand tu vois quelqu'un qui pâtit,
Tâche de le tirer du fond du précipice. »
Ma pauvre cigale, aujourd'hui
Je veux te prêter mon appui,
Sache que pour ma récompense
J'ai bien assez de ton amour !
Que tout mon plaisir dans ce jour
Est de voir ta reconnaissance.
Ma mère l'assurait et le fait est certain,
Rien ne rend plus heureux que d'aider son prochain. »

Livre I, Fable 21, 1856




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