Le Tyran et l'Ombre Claude-Joseph Dorat (1734 - 1780)

Un Phalaris, un Tyran formidable,
Sous un Sceptre de fer accablait ses sujets.
Dans son cœur, effrayé de ses propres forfaits,
Il trouvait l'enfer du coupable.

UN jour, ayant doublé la garde du Palais,
Il parcourt de son parc les lieux les plus secrets,
Que rend plus ténébreux sa morne rêverie.
Là, se cachait, le glaive en main,
Un citoyen, chargé des vœux de la patrie,
Qui, dans l'obscurité se frayant un chemin,
Pour immoler ce monstre, avait risqué sa vie,
Et s'apprêtait à lui percer le sein.

IL l'aperçoit, approche et retient son haleine ;
Sur la mobile arène il suspend tous ses pas,
Le suit, guette l'instant, et lève enfin le bras...
Le Tyran voit son ombre et la prend pour la sienne.
O Dieu ! dit-il, plein d'un mortel effroi,
Qu'annonces-tu par un si noir présage ?
Tout du trépas me présente l'image :
Mon simulacre même est armé contre moi.

Voici l'heure de la vengeance,
Lui dit notre Brutus, en le frappant alors ;
Mais tu me dois quelque reconnaissance
Je te délivre des remords.

Livre III, fable 6




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