L’Enfant et les Joujoux Aimé Naudet (1785 – 1847)

Bien gâté, bien capricieux,
Bien bruyant et bien volontaire,
Bien sot, enfin, à tous les yeux ,
Moins pourtant les yeux de sa mère,
Un jeune Enfant que l’on croyait heureux,
N’avait pas de souhaits à faire.
Tout le monde à l’envi l’accablait de joujoux,
Mais tous savez que chez l’enfance ,
Suivant de près la jouissance»
Arrivent bientôt les dégoûts.
Il commence d’abord par couper la ficelle
Qui, dans sa turbulente main ,
A défaut d’âme et de cervelle
Faisait mouvoir sou habile pantin.
Puis de Polichinelle il faut fendre le crâne ;
Ouvrir le ventre à son pauvre cheval,
Crever de son tambour l’innocente peau d’Âne
Pour avoir des joujoux nouveaux;
Le lendemain des pleurs inondent son visage.
Du matin jusqu’au soir c’est un nouveau tapage.
Dans la maison plus de repos !
Sa mère de céder encore à son caprice;
Et, pour qu’à son aise il choisisse,
Dans le plus riche magasin
Elle conduit l’indocile bambin.
Une optique, un théâtre, un turc, une charrette:
Tout ce qu’il voit il faut que sa mère l’achète.
Ce qu’il brisait hier il le veut aujourd’hui ;
Mais il le lient à peine en sa puissance
Que sa paisible jouissance
Ramène une autre fois les dégoûts et l’ennui.
L’homme est peut-être un peu moins sage :
Avec des joujoux d’un autre âge,
Passant sa vie en vœux , en regrets superflus,
Ce qu’il a ne peut lui suffire,
Ce qu’il n’a pas il le désire ,
Il regrette ce qu’il n’a plus.

1829




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